Difficile de parler de musique haïtienne sans aborder le Konpa. Et pour cause : ce style musical est emblématique de l’île et a fait connaitre la culture haïtienne dans les Caraïbes et dans le monde entier. Inventé dans les années 50 à partir d’influences diverses, comme le merengue et carabiné, ce style musical a, à son tour, fortement influencé la musique créole et caribéenne. Retour sur le Konpa, sur son histoire et les stars du Konpa digital que l’on rencontre aujourd’hui’ sur la scène haïtienne.

Le Konpa : une musique aux influences diverses

Comme de nombreux styles musicaux des Caraïbes et des Antilles, le Konpa d’Haïti est avant tout une musique issue d’un fort syncrétisme culturel entre les influences africaines, européennes, nord-américaines et latino-américaines que l’on retrouve dans la quasi-totalité des îles de Caraïbes.

Le Konpa est né dans les années 1950 et sa création tourne autour des artistes-musiciens et saxophonistes haïtiens Jean Baptiste Nemours et Webert Sicot et de la formation du Conjunto International, qui deviendra Ensemble Aux Callebasses dès 1955.

À l’origine de cette invention musicale se trouvent les titres de musique latino-américaine diffusées sur les radios en Haïti qui sont écoutés et appréciés par les deux saxophonistes. Rapidement les deux artistes développent un style simple et plus lent, influencé par le Merengue lounge dominicain, la quadrille (un style musical en provenance d’Europe) et le Carabiné, un rythme folklorique de l’ile d’Hispaniola caractérisé par un usage prononcé de la guitare, de l’accordéon et de percussions telles que le Tambora et le tambourin. À cela s’ajoutent des influences de rythmes des autres iles caribéennes, tel que le Son Cubano, la Bomba portoricaine ou encore le Calypso.

Au fil des années, et jusqu’à aujourd’hui, la Konpa se nourrit d’influences diverses et variées. Elle intègre rapidement la guitare électrique à la fin des années 50 et apprend énormément du jazz au cours des années 60. Les nouveaux styles de musiques, comme le rock dans les années 60 et 70, ainsi que le reggae et le hip-hop des années 80 et 90 viennent donner au Konpa un renouveau et un second souffle. Au tournant du siècle, les nouveaux instruments de musiques électroniques viennent donner naissance à ce que l’on appelle le Konpa digital.

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Photo de Martin Lopez

Le mot « kasav » désigne la cassave qui est une galette de manioc en créole.

la diffusion du Konpa et son influence dans les Caraïbes et dans le monde

Rapidement, le Konpa se diffuse sur le territoire et devient le style musical haïtien par excellence, devant le Merengue haïtien et le Carabiné. Populaire et très dansant, le Konpa conquiert rapidement les moeurs et se diffuse sur les ondes haïtiennes.

Le style musical se diffuse en parallèle et assez rapidement dans les iles caribéennes grâce aux tournées régionales qu’entreprennent Nemours et les Sicot Brothers dans les années 1960. Curaçao, Aruba, Sainte-Lucie, la Dominique et surtout les iles françaises de la Martinique et de la Guadeloupe sont les principales destinations des deux créateurs haïtiens. Plus encore, les deux saxophonistes enregistrent rapidement leurs albums en Martinique et en Guadeloupe et engagent des musiciens antillais pour les accompagner. Cela contribue à développer le Konpa dans ces iles antillaises.

À cela, l’immigration haïtienne aux États-Unis participe à sa diffusion internationale : on retrouve ainsi des titres de Konpa chez des artistes de renom international comme Carlos Santana (son titre Foo-Foo), Wyclef Jean. La Diaspora haïtienne contribue à sa diffusion dans les autres iles caribéennes, et notamment à Cuba, en Jamaïque, et en République dominicaine, voisine d’Haïti.

Aujourd’hui, l’influence du Konpa se ressent dans la quasi-totalité des rythmes caribéens. Le Zouk, la Cadence-lypso, le Reggaeton (avec Don Omar et Daddy yankee), la Bachata se réclament d’une influence haïtienne.

Les stars du Konpa à Haïti

Si le Konpa bénéficie d’un succès international, c’est bien à Haïti qu’il est le plus écouté. Et pour cause : c’est une musique purement haïtienne.le Konpa s’écoute à la maison, en boite de nuit et même au travail.

Richard Cavé et le groupe KAI

Richard Cavé est l’un des artistes incontournables du renouveau du Konpa Digital. Il commence à jouer du piano dès son plus jeune âge, et chante avec son père et son cousin. À la fin des années 1990, il part à New York poursuivre ses études. C’est dans cette ville qu’il rencontre Carlo Vieux et Mickael Guirand avec qui il fonde un groupe nommé Carimi. Carimi devient le groupe le plus connu de la HMI (Haitian Music Industry). En 2016, le groupe se sépare et Richard Cavé se consacre à une carrière musicale personnelle pour ensuite fonder le groupe KAI .

Aujourd’hui, KAI produit un Konpa énergétique qui prouve que le groupe a le charisme pour dominer la scène haïtienne encore plusieurs années. Le groupe a à son actif 3 albums dont le dernier est sorti en 2019.

Rutshelle Guillaume

À l’instar de Richard Cavé, Rutshelle Guillaume est une artiste qui a contribué au renouveau du Konpa dans les années 2010. Si elle commence à chanter à l’église, c’est à partir de la fin des années 2000 qu’elle commence à fréquenter le milieu de la Konpa à Haïti. À cette occasion, elle intègre la formation musicale haïtienne “REL”, un groupe composé d’anciens élèves de l’École Nationale des Arts de Haïti.

Sa voix fait des émules sur l’ile et c’est en 2012 qu’elle sort son premier CD. À cette occasion, elle collabore avec la scène haïtienne en vogue, et notamment les artistes James Germain, Emeline Michel, Stevenson Théodore ou encore Fabrice Rouzier.

Son style, proche du Zouk love, se fait connaitre à l’international et l’artiste participe à de nombreux festivals européen et nord-américain entre 2012 et 2018.

le groupe Harmonik

La Formation Harmonik est un groupe de Konpa établi à Miami qui a fait ses débuts en 2010. Le groupe tourne autour du bandleader et pianiste Nickenson Prud’Homme et du chanteur Mackendy Talon. Harmonik, c’est l’un des groupes de Konpa les plus connus à Haïti et ailleurs. Ils justifient de centaines de représentations en Haïti et de cinq albums publiés en dix ans. Aujourd’hui, c’est une formation qui fait l’unanimité auprès des Haïtiens.

Leurs chansons, très tropicales et sucrées, sont dansables ce qui fait leur succès chez les jeunes et chez les moins jeunes. De la même manière que Rutshelle Guillaume, la formation n’a pas hésité à explorer le style musical du Zouk Love.