Dans le rap, tout est d’abord une question de nom de scène.

De “blase”, comme on dit dans le milieu. Eux ont choisi Kalash, Tiitof, T-Stone, Meryl ou encore LaRose. Le blase, donc, est rarement choisi au hasard. Il doit claquer et raconter une histoire.
Cette histoire, c'est celle de la nouvelle génération des artistes rap et hip hop originaires des Antilles. Leur particularité? Une identité créole assumée.
Ils chantent ou rappent en créole et en français. Ils totalisent des millions de vues sur Youtube et battent des records de téléchargement sur Spotify et Deezer. Sur les réseaux sociaux, leurs comptes rivalisent avec ceux des meilleurs influenceurs.
Un engouement qui prend chaque année plus d'ampleur et n’est pas prêt de s’arrêter.
Et pourtant, oserait-on dire, les médias mainstream continuent de les ignorer. Alors, ne passez pas, vous non plus, à côté de cette déferlante venue d’outre-mer qui compte bien s’installer. Elle fait partie intégrante de la culture musicale française et se situe au carrefour du reggae, du rap et du zouk. Petite visite guidée.

Kalash

Le poids lourd de la nouvelle vague. Au début des années 2000, Il effectue ses premiers pas sous la protection de l’artiste reggae dancehall Admiral T, qu’il cite souvent dans ses interviews.

Son premier album éponyme, sorti en 2010, est d’ailleurs orienté dancehall. Mais dès le deuxième, Kalash prend une orientation résolument rap. Sans renier le dancehall.

Artiste prolifique, il revendique lui-même ce qu’il appelle sa “bipolarité artistique”, à la fois artiste rap et dancehall. Il n’oublie pas le chant non plus et le dit lui-même: “j’ai toujours envie de mettre une mélodie, je suis un rossignol”.

En 2016, son troisième album “Kaos” est celui de la consécration. On y retrouve des collaborations avec Booba, dont la présence contribue à installer définitivement Kalash sur la scène hexagonale. L’album, lui, est certifié disque d’or au mois de juillet de la même année.

A partir de là, l’artiste martiniquais entame une ascension irrésistible. Les featurings s’enchaînent: Booba, mais aussi Niska, Damso, Dadju, IAM, Tiitof, dont nous parlons plus loin dans cet article.

C’est dans l’élan de ce succès que sort l’album “Mwaka Moon”, en 2017. Le single homonyme, en duo avec Damso, devient alors le titre le plus streamé en France pendant près de deux mois.

Un mois plus tard, il est certifié single de diamant. A ce jour, le titre totalise plus de 260 millions de vues sur youtube. Du lourd! Comme on dit dans le milieu.

Single Image

Photo de Innovated Captures

L’homme n’a pas sa langue dans sa poche et adopte un style bad boy assumé, tatouages compris. Cela lui a parfois valu des échauffourées avec la police.
Kalash est aussi très attaché à ses racines antillaises. Ainsi, derrière sa carapace de dur à cuir, on découvre dans son écriture un homme sensible aux problèmes sociétaux que rencontrent les jeunes des Caraïbes.

Le mot « kasav » désigne la cassave qui est une galette de manioc en créole.

Tiitof

Ce qui frappe de prime abord chez ce jeune Martiniquais de 25 ans, c’est son allure posée. Ses interviews laissent transparaître une spontanéité et une simplicité inhabituelles dans les milieux du rap.
Son premier album, “Tout à Gagner”, sort en avril 2020. Il en extrait un single, “Toujours Dans le Bloc”, qui fonce actuellement vers les 8 millions de vues sur youtube.

L’aboutissement d’une trajectoire qui a pris son envol au Hit Lokal Awards, la cérémonie qui récompense les artistes d’outre mer. Lors de l’édition 2019, Tiitof remporte le prix de révélation masculine de l’année.

Depuis, l’étoile montante a gravi les échelons, au point de gagner la reconnaissance du milieu. Au point, surtout, d’être adoubé par son aîné Kalash, avec qui il apparaît en duo dans “Plus de Love”.

Jeune homme ambitieux, Tiitof ne conçoit pas sa musique sous le seul angle caribéen. Il clame volontiers ses visées “tous publics”.

Dans ses morceaux, les punch lines en français et en créole fusent avec une égale et redoutable efficacité. Pour le plus grand plaisir de ses 40.000 auditeurs mensuels sur Spotify et ses 150.000 abonnés youtube.

T-Stone

Avec T-Stone, c’est un virage à 360 degrés que nous effectuons! Finis les punch lines et les “explicit lyrics” à ne pas mettre entre toutes les oreilles. Ici, le romantisme est à tous les étages.
En effet, le beau gosse du Gosier (Guadeloupe) ne cherche pas à s’inventer une vie de gangster qu’il n’a pas menée. Sa musique fait donc la part belle à l’amour.
Le public, lui, est au rendez-vous. C’est ainsi qu'avec “Olala”, son tube sorti en 2018, il accumule à ce jour plus de 2,7 millions de vues sur youtube.
“Olala”, c’est le genre de morceau qui continue à tourner dans votre tête bien longtemps après que vous l'avez écouté. Attention, risque d’écoute en boucle garanti!
Ses autres incontournables: “Fou de vou” et “Loco”.

Meryl

Vous avez probablement déjà entendu du Meryl sans le savoir. En effet, la jeune Martiniquaise a collaboré à l’écriture de plusieurs gros titres rap de ces dernières années.

Parmi les grosses pointures à avoir fait appel à son style incisif, on peut citer: Soprano (“Ninja”), Niska (“Du lundi au lundi”) ou encore la rappeuse Shay(“Liquide”).

De l’ombre à la lumière, il n’y a qu’un pas que Meryl a franchi brillamment en 2019, avec l’irrésistible “Ah LaLa”, titre aux 9 millions de vues sur youtube à ce jour. Un rap d’une précision clinique, où la native du Lamentin (Martinique) règle ses comptes avec le système éducatif et la société en général.

“Dis-moi qui m’empêchera de brasser?”, s’interroge Meryl dans “Ah LaLa”. Avec un tel talent, personne.

Nous attendons avec impatience la sortie du premier album de la prodige. Son titre est déjà prometteur : “Jour Avant Caviar 2”.

Nous aimerions bien prolonger notre promenade dans l’univers du hip hop caribéen en vous présentant dans le détail beaucoup d’autres artistes. Hélas, nous devons composer avec les contraintes que nous imposent le temps et l’espace.

Mais les noms que vous venez de découvrir auraient bien pu être remplacés par d’autres, tels que:

LaRose

Meilleure rappeuse aux Hit Lokal Awards 2016. Une référence du rap féminin aux Antilles.

Keros’n

Chez lui, le clash est une seconde nature. Une écriture sans filtre, qui ne s’embarrasse pas de figures de style.
Voilà pourquoi nous vous conseillons d’aller plutôt écouter le surprenant “Miss Doliprane”. On y découvre une facette moins connue de l’artiste, celle du “lover”.

Were-Vana

Une valeur sûre qui mène sa carrière sans tambours ni trompettes, mais accumule les millions de vues sur youtube. A écouter: “Casanova”.

Les aînés du Dancehall

Avec Saïk, un autre artiste qui passe du français au créole avec une facilité déconcertante. Mais aussi Admiral T, le mentor de Kalash.
Nous l’avons dit au début de notre article : le point commun à tous les artistes que nous venons de citer est leur identité créole assumée. Mais ce retour aux sources n’est pas un repli identitaire. Au contraire, il s’apparente à une prise conscience salutaire, qui rappelle à la France culturelle toutes les richesses inexploitées qu’elle recèle en elle.