Le Zouk
De la biguine au Zouk en passant par la Gwoka, le Bélé ou le sound système, la musique Caribéenne a évolué au fil des ans et de la condition de ces femmes et de ces hommes qui furent tour à tour esclaves puis libres. Envoûtante, colorée, la musique antillaise est un mode d'expression puissant. De Port au Prince à Sainte Anne en passant par Capesterre ou Morne Rouge, elle rythme la vie de milliers d'Antillais. Parmi ces musiques, aux origines et aux tempos différents, il en est une qui, en quelques décennies seulement, est devenue la musique phare des Antilles, c'est le Zouk.
Tout comme la langue créole, le Zouk est un savant mélange de la vie caribéenne, riche de nombreuses influences et une musique vivante, moderne que chacun a su s'approprier et qui est aujourd'hui encore en constante évolution, servant même de berceau à de nombreux courants musicaux contemporains.
La naissance du Zouk
Après le jazz de la Nouvelle Orléans, le Konpas d'Haïti, le reggae de Jamaïque, le Mérengo de Saint Domingue, la salsa cubaine...les antillais ont fait déferler sur leurs îles, mais aussi sur la France Métropolitaine et l'Afrique, une nouvelle vague de sons mêlés. Issu des musiques traditionnelles et entraînantes des carnavals caribéens, le Zouk a vu le jour à la fin des années 70' avec la naissance de Kassav en 1979.
Durant une vingtaine d'années, toutes les Antilles ont dansé sur des rythmes haïtiens. Seules les musiques traditionnelles de carnaval ramenaient un peu de culture locale en début d'année. Afin d'enrayer cette déferlante, les producteurs et professionnels de musique antillais se sont réunis et sont arrivés à la conclusion qu'il fallait créer une nouvelle entité musicale propre aux petites Antilles. Ils n'imaginaient sans doute pas alors la puissance de ce qui allait naître.
Le producteur et guitariste guadeloupéen Freddy Marshall, demanda alors à Pierre-Edouard Décimus, alors bassiste et leader du groupe Les Vikings de la Guadeloupe, de travailler sur une nouvelle musique qui reste à inventer. L'arrivée de Jacob Desvarieux sera décisive. D'origine antillaise, Jacob vit en métropole et de Marseille à Paris, il est davantage engagé dans une mouvance rock avec des sonorités plus dures et plus contemporaines que les sons caribéens. Tous ensemble ils créent Kassav, au plus de leur identité, avec le nom de ces galettes traditionnelles. Dans leur démarche musicale, ils décident de moderniser les sons des carnavals emblématiques des deux îles. Boostés par l'arrivée de nouvelles technologies et notamment des synthétiseurs et de leurs sons uniques, il font naître le Zouk. Là encore, ils donnent à cette musique, joyeuse, festive, irrésistible en entraînante, le nom de ces bals populaires antillais les Zouks.
Ce son unique, on le doit aux génies du Jacob Desvarieux, des frères Décimus (Georges et Pierre Édouard), de Jean-Claude Naimro pianiste, compositeur et chanteur initial du groupe et au batteur Claude Namur.
Dès son premier album Kassav connaît un succès inégalé, notamment en métropole où les « ex-îlés » antillais adhèrent à 100% et se fédèrent autour de Kassav. Jocelyne Bréoard n'arrivera dans le groupe que quelques années plus tard.
Photo de Marlon Schmeiski
Le mot « kasav » désigne la cassave qui est une galette de manioc en créole.
Les différents courants du Zouk
Ouverte et généreuse, le Zouk est une musique vivante qui, depuis sa naissance a connu et connaît encore de nombreuses variantes.
Le zouk Béton offre des rythmes très rapides presque endiablés. On le retrouve par exemple dans les premières chansons de Kassav' dont le meilleur exemple reste encore aujourd'hui leur premier tube: « Zouk la sé sèl médikaman nou ni ».
Le zouk love est une musique bien moins rapide qui vient bercer des textes d'amour, il laisse une large place à la sensualité, il fait chalouper les corps dans un collé serré presque érotique. Le Zouk love est proche des slows langoureux. Le tube de Nadey, au cœur de l'été 1990, " L'inité" en est des premiers exemples. Mais le Zouk Love reste éternellement attaché à Patrick Saint Eloi, le crooner du Zouk Love avec le succès immédiat, en 1982 de son premier album solo, « Mizik sé Lanmou ». Avant sa carrière solo, le Zouk Lover guadeloupéen a été une des composantes de Kassav jusqu'en 2002. Son talent l'a aussi mené à collaborer un temps avec le non moins célèbre Gilberto Gil.
Les années 90 voient aussi l'apparition d'une autre tendance du Zouk, le Ragga Zouk. La proximité de la Jamaïque et l'influence aussi bien culturelle que musicale très marquées, des Rastas aux Antilles mènent les martiniquais Daddy Harry et Don Miguel à créer « Bay Chabon». Un mariage somme toute assez harmonieux et qui rencontre un franc succès dans l'ensemble de la Caraïbe.
Enfin, dans les années 2000 c'est sous l'influence des nouvelles sonorités venues des USA qu'est né le zouk RnB. Soumis aux influences de l'émergence mondiale du Rap et du slam, Jean Michel Rotin crée « Lé ou Love » qui signe la naissance du Zouk RnB.
Toujours dans les années 2 000 les nostalgiques de la mouvance Hard Rock se lancent dans le Zouk Metal avec comme fer de lance les martiniquais de Bamboolaz et leur morceau « Je te promets ».
Anttonny Drew le génie inclassable. Entre zouk, soul, reggae, Konpa et musiques traditionnelles de Guadeloupe, le pianiste, chanteur, auteur et compositeur est LA révélation de ces dernières années.
Avec une voix hors du commun qui atteint les cinq octaves et sa parfaite maîtrise des voix sifflées, il revisite le zouk et la scène musicale antillaise. Depuis près de cinq ans, il fait souffler un vent nouveau sur le zouk. D'albums en albums, l’interprète de Vous E Mwen, Amour Amor, Aimer est devenu le phénomène musical de ces dernières années.
La reconnaissance nationale du Zouk
En ce début d'année 2021, la délicieuse du groupe Kassav, Jocelyne Beroard, vient d'être promue Officier des Arts et des Lettres, une véritable reconnaissance pour la langue, la culture et les arts Créoles. Quant aux autres membres de Kassav, Jacob Desvarieux, Jean-Claude Naimro, Jean-Philippe Marthély, alias Pipo et le non moins emblématique Georges Décimus, ils ont, eux, été promus au rang de Chevaliers des Arts et des Lettres.